Il existe bien des manières de transformer une image couleur en noir et blanc mais encore faut-il que cela ait un sens et que le résultat soit beau.
J'ai récemment retrouver une photo qui date de ma classe de 6°. C'était une photo de classe en tirage professionnel. Elle doit dater de 1980 mais elle est comme au premier jour. Il y a bien longtemps, j'avais commencé la photo par du noir et blanc, tiré en labo grand public, et j'ai fait aussi un peu de tirage à l'agrandisseur (beurk) mais jamais je n'ai vu la qualité de cette photo retrouvée.
Le numérique nous donne la possibilité de faire du noir et blanc plus aisément que dans la chambre noire, mais il ne remplacera pas le film et la chimie. On peut quand même s'y essayer et avoir de bons résultats souvent meilleur que ce qu'on peut faire si on débute en NB argentique. C'est aussi facile de se planter et d'avoir une image plate et sans contraste, un truc tout grizouille et beurk beurk.
Je ne vais pas vous faire un tutoriel sur le noir et blanc mais vous donner les explications et les grands principes pour que vous vous rendiez compte que votre méthode n'est pas forcément la plus adaptée.
1) Désaturation
Prenons la méthode la plus simple : la désaturation.
Elle consiste à remplacer chaque niveau de luminosité par une valeur de gris. Très bien. Ca transforme effectivement une photo couleur en noir et blanc (niveaux de gris). Mais où ça coince c'est qu'une photo couleur est composée de 3 couches : Rouge, Verte et Bleue. La désaturation effectue une moyenne des valeurs de luminosité des trois couches et vous allez comprendre pourquoi ça ne peut pas être beau.
Voici une mire qui représente les couleurs primaires et secondaire et le noir et le blanc.
Voici maintenant la même mire avec une simple désaturation
Aïe ! Les couleurs sont tellement différentes sur la mire couleur et à l'opposée, sur la version noir et blanc, il n'y a aucune différence. On comprend donc bien qu'un bon noir et blanc ne doit pas seulement tenir compte de la luminosité mais aussi réagir à la couleur. C'est ce qu'on appelle la
réponse tonale
2) Couche par couche
Une autre méthode consiste à ne conserver qu'une seule des trois couches couleur.
Voilà le résultat avec la couche rouge :
avec la couche verte :
et la bleue :
Bien entendu, comme j'ai choisi des couleurs non mélangées entre elles, il n'y a pas de valeurs intermédiaires dans les gris.
Cette méthode peut fonctionner avec un sujet ayant une forte dominante mais c'est rarement le cas.
3) Courbe de transfert de dégradé
Pour les courbes de transfert de dégradé on commence par choisir les couleurs d'avant plan et d'arrière plan. Pour un noir et blanc correct il faut un noir 100% et un blanc 248 (et non 255). Ensuite, sous Photoshop, on va dans le menu Image/réglage/courbe de transfert de dégradé.
C'est rapide. On obtiens un noir et blanc.
On peut ensuite modifier le dégradé, créer tes propres dégradés, etc... Il y a tout un menu contextuel à ce propos et je vous engage à lire également l'aide de Photoshop sur le sujet.
On remarque qu'avec cette méthode la réponse tonale est très différente suivant la teinte. C'est une bonne base pour commencer.
4) Mélangeur de couches
Le principe est de donner plus ou moins d'importance à une couche par rapport aux autres.
Concernant l'utilisation du mélangeur de couches sous Photoshop, il y a 3 curseurs pour les couches rouge, verte et bleue. Normalement le rouge est à 100% et le vert et le bleu à zéro. Il faut commencer par cocher la case monochrome et ensuite jouer avec les curseurs pour mettre par exemple le rouge à 50%, le vert à 30 et le bleu à 20 ou toute autre combinaison.
Le mélangeur de couches est précis mais il est rébarbatif et long à utiliser. Il faut recommencer à chaque fois en fonction de l'image source. Et ça ne remplace pas le fait qu'il faut toujours travailler en combinant des zones entre-elles pour obtenir un beau noir et blanc (le ciel ne s'obient pas de la même façon que des bâtiments et pour un portrait on peut traiter le visage séparément de l'arrière plan, etc...)
Voici un exemple en mettant la couche rouge à 50%, la verte à 30% et la bleue à 20%
Le problème avec le mélangeur de couches est qu'il faut refaire les réglages fins à chaque fois et d'une image à l'autre le rendu ne sera pas forcément pareil. La couche bleue à tendance également à faire monter du grain alors que la verte est en générale la plus propre.
Le mélangeur de couches peut être utilisé directement mais en général il ne s'agit que d'une étape et les meilleurs résultats s'obtiennent avec un peu de préparation avant et une finalisation après pour obtenir le contraste souhaité.
La préparation consiste à régler les niveaux de chaque couche indépendemment et de les préparer une par une de façon à faire ressortir tous les détails présents. Le plus simple est de travailler chaque couche de façon indépendante avant de passer dans le mélangeur. Mais il existe une autre méthode.
5) Séparation des couches
On peut séparer les couches pour les travailler plus facilement en tant que fichier indépendant. L'opération finale sera de recombiner l'image en utilisant des calques. L'opacité de chaque calque correspond au mélange des couches. Cette méthode est longue et fastidieuse mais donne de bons résultats et permet plus de souplesse car on travaille sur des fichiers séparés.
La séparation des couches s'obtient dans Photoshop à partir de l'onglet "couche" de la boite flottante. Il y a une petite flèche noire qui ouvre un menu contextuel. Dans ce menu on trouve l'option "séparer les couches".
En choisissant cette option le fichier est éclaté en trois fichiers (ou plus suivant le nombre de couches) et on peut travailler séparément chaque fichier de manière indépendante (réglage des niveaux, filtrage du bruit, etc...). Quand les niveaux et les contrastes sont bien réglés il suffit alors de créer un nouveau fichier à la même taille que l'image et fond blanc (ou teinté), de copier l'image correspondant à la couche verte puis de la coller sur un calque du nouveau document, et de faire la même chose pour la bleue et la rouge. On aura donc une image avec trois calques. En jouant sur l'opacité de chaque calque on arrive à combiner les trois couches comme avec le mélangeur de couche. Le seul intérêt est d'une part que l'on travaille chaque couche en tant que fichier indépendant et d'autre part qu'on peut utiliser des masques de fusions car la couche étant transformée en calque on a accès à tous les outils utilisés avec les calques.
C'est plus long encore que le mélangeur de couches mais c'est plus propre et on peut revenir sur un réglage à tout moment juste en changeant l'opacité du calque.
C'est l'une des meilleure méthode mais il faut avoir le temps et maitriser son sujet, notamment les masques de fusions.
6) Les scripts
Mais le plus simple consiste quand même à utiliser un script pour le passage en noir et blanc.
Chaque script aura une réponse tonale propre et différents paramètres permettant d'ajouter du grain, de régler les contrastes, etc...
Il convient d'utiliser un script par type de sujet. On ne peut pas avoir un seul script qui fonctionne pour toutes les images. Entre un paysage et un portrait les traitements sont différents. Pour le paysage on aura tendance à vouloir faire ressortir le sujet en densifiant le ciel car un ciel blanc ce n'est pas très beau.
Voici la réponse tonale d'un script que j'ai réalisé, le script de base. Après il convient de régler les contrastes par les courbes.
Un autre script : Delta
Puis Delta_vert qui simule l'utilisation d'un filtre vert
Delta_jaune qui simule le filtre jaune
Un autre qui sera plus adapté pour les portraits :
Pour celui-ci j'ai combiné deux images entre elles pour lesquelles je règle le niveau de chaque couleur primaire et secondaire de façon indépendante afin d'optenir une certaine réponse tonale. Une simple désaturation suffit ensuite pour avoir le noir et blanc.
Et celui-ci qui à une réponse tonale permettant de densifier les ciels et on peut régler l'importance de l'effet
Celui ci permet à la fois d'avoir de la densité et du grain pour simuler un tirage argentique
Le Bill's BW action qui permet de densifier les ciels.
Avec celui-ci on se rend compte que les teintes jaunes seront presque blanches. Il ne sera donc pas adapté pour certains types de noir et blanc (portraits par exemples).
Voici ce qu'il donne :
Un script qui simule une pellicule TriX 400 poussée à 800
Un dernier qui simule les tirages de Gérard Laurenceau
On remarque les bleus et les verts très denses et les teintes rouges ou magenta qui ressortent claires. Les jaunes restent dans des valeurs moyennes. Ca donne des ciels plombés, ciels d'encres. Bien entendu tous les sujets ne se prêtent pas à son utilisation.
Ensuite, il suffit d'avoir l'habitude et de sélectionner le bon script pour le bon sujet. Il est aussi facile d'en lancer plusieurs pour juger de celui qui donnera le meilleur rendu. L'important est d'avoir une bonne mire sur laquelle vous devez distinguer chaque nuance
7) Travailler par zones
Un truc sympa également à faire est d'utiliser un script et ensuite de travailler avec l'outil "densité -" (densité moins) pour éclaircir les zones devenues trop sombres.
On peut aussi mélanger des résultats de scripts sur plusieurs calques et utiliser l'outil gomme pour rendre plus ou moins opaque certaines zones d'un calque.
Une préparation peut être faite au départ sur des zones précises en saturant le ciel par exemple, après avoir sélectionné les zones claires de l'image.
Si vous travaillez sur une couche en particulier votre image en RVB ne ressemblera plus à rien mais ce n'est pas grave puisque le but est de la convertir en noir et blanc.
Mais vous l'avez compris, la réponse tonale correspondant à votre méthode va conditionner le rendu de votre noir et blanc.
Je crois que je préfère les noir et blanc numériques car contrairement à l'argentique on peut choisir la réponse tonale la plus adaptée. Mais le noir et blanc ne pardonne pas. C'est une discipline très difficile. C'est soit tout bon, soit tout mauvais. La couleur permet de camouffler les défauts.
Dernière chose : pour faire un beau noir et blanc il faut à la base une belle photo couleur.
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